Alain Pavé
Alain Pavé

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Opinion : le « mal-gouvernement », un problème de formation, de choix et de compétences des élites politiques

Il faut bien le dire un jour, je suis déçu par le gouvernement, par le Président de la République pour qui j’ai voté, même si je ne faisais pas trop d'illusion. De son côté, la droite républicaine est dans sa grande majorité au degré 0 de la réflexion et se contente d’une opposition systématique ou d’une surenchère pitoyable. Je suis de gauche, mais je sais que nous avons besoin d’une droite éclairée. Ce n’est pas le cas. L’écologie « politique », construite sur un quiproquo entre science et politique, aurait pu proposer une alternative, ce n‘est pas le cas; Elle se pare d’un discours scientifique d’une insigne faiblesse et son idéologie a des relents d’intégrisme et de totalitarisme.

En fait la politique, telle qu’elle est exercée, est peu pensée; elle est décevante et avec des conséquences dramatiques pour le plus grand nombre. La main mise de l’économie, au sens ultralibéral, est une mauvaise chose et quelque part d’une rare bêtise. par exemple, l’argument des ultralibéraux justifiant l’extrême inégalité de distribution des richesses par le fait que chacun y retrouvera son compte est à l’évidence faux. Il y a accumulation des richesses de plus en plus grandes dans les coffres d’un petit nombre. Cet argent ne circule pas, il alimente la spéculation. Par exemple, ne trouvez-vous pas que le marché de l’art est devenu fou et totalement immoral? Mais il est vrai qu’en ces temps parler de morale est quelque peu décalé, même si l’on en parle un peu plus à l’école. Une meilleure distribution des richesses réactiverait l’économie. En effet, appauvrir les moins argentés, éroder les revenus de la classe moyenne est le moyen le plus sûr de diminuer la consommation et donc de réduire l’activité économique, d’augmenter le chômage… C’est la conséquence directe du choix du système économique actuel et de la politique qui va avec. Pensez-vous que le plus grand nombre continuera longtemps à accepter ce fait? Un tel système est-il viable ?

Autre problème, les hommes et les femmes, et peut-être plus les hommes que les femmes, faisant métier de politique et plus généralement qui appartiennent à la caste des décideurs, ont un cade intellectuel qui les rend peu compétents pour comprendre le monde et donc pour agir efficacement sur lui. On peut citer:

  • La faible profondeur historique, l'absence d’élan vers l’avenir reposant sur notre histoire et notre culture, et celles des autres, d’où une incapacité à proposer des horizons mobilisateurs. Nous sommes dans une république de comptables. Ce n’est pas du mépris pour les comptables qui font un métier difficile, c’est la confusion des genres qui est grave.
  • Les difficultés à consulter ceux « qui savent ». On parle de la désertion des intellectuels, mais ils y sont poussés par l’indifférence, voire l’opposition, quand ce n’est pas le mépris, d’une grande majorité des politiques. alors on va au plus facile. Par exemple, pour des raisons de basse politique on donne une importance démesurée aux écologistes, dont l’appellation est aussi source de confusion: beaucoup de ceux qui en parlent ne savent généralement rien de cette science difficile et essentielle. Cela étant, certaines positions défendues sont porteuses d’avenir: la transition énergétique en est un exemple. En revanche, d’autres sont beaucoup plus discutables: l’opposition de principe aux OGM est d’une rare bêtise et montre un grave manque de culture, sans jeu de mot, dans les sciences du vivant. Je dis bien de principe: comme on peut faire des armes ravageuses avec le nucléaire (c’est d’ailleurs encore le risque principal de ce secteur) on peut aussi faire des OGM qui tuent. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, ceux qui font métier d’OGM, le font pour résoudre des problèmes comme l’avitaminose A pour le riz doré. On peut multiplier les exemples. Au départ de la polémique, on trouve une confusion: les pratiques commerciales pour le moins critiquables, de certaines grandes entreprises ont été justement dénoncées, mais la confusion est soigneusement entretenue au bénéfice de ceux qui vivent de ces propagandes. En effet, les marchands d’apocalypse vivent bien sur beaucoup d’escroqueries intellectuelles. Si le raisonnements utilisés contre les OGM s’étaient imposés pour les vaccins, nous n’en serions pas au niveau sans précédent de l’espérance de vie.
  • Les politiques restent souvent très linéaires dans leurs raisonnements. De même pour la haute administration tenue par les grands corps de l’État, notamment par les anciens de l’ENA. De plus, beaucoup de ministres ont aussi ce type de cursus, et la perméabilité avec le secteur économique fait que beaucoup des rouages de la nation sont coincés dans un étau de monolithisme. Il ne sont pas bêtes, pas idiots, explication facile, c’est même le contraire, mais leur cadre intellectuel est limité par leur formation et leur conformisme. Ils n’ont aucune vision « systémique ». Or « systèmes » et « réseaux » sont de bons modèles du monde réel actuel. De plus les relations sont non linéaires et l’ensemble relations-entités change continuellement en taille et en nature. Si bien que le total est peu prédictible, la seule chose qu’on peut prévoir c’est que l’imprévu est presque sûr. Comment gouverner dans ce contexte, car « gouverner c’est prévoir »? Possiblement en tentant d’identifier ou de se doter d’un ensemble de possibles et en introduisant des régulations pour le limiter ou s’y conformer au mieux et gérer l'imprévu. Gouverner ainsi, c’est se donner de grands objectifs, d’une vision d’avenir, de mettre en place les moyens de les adapter au contexte changeant afin d’atteindre ces objectifs et surtout de ne pas confondre moyens et objectifs. Quand ils parlent de systèmes, on voit rapidement qu’ils ne les conçoivent pas. Par exemple, quand ils ils évoquent des écosystèmes d’entreprises et/ou d’institutions, on remarque rapidement qu’ils n’ont aucune idée de ce qu’est un écosystème et même plus généralement ce qu’est un système. Néanmoins, quand ils sortent de ces schémas, quand il adoptent une approche systémique, il réussissent plutôt bien. Il n’en demeure pas moins qu’il manque de grandes perspectives, par paresse ou par manque d’ouverture d’esprit, on se limite à l’économie, qui n’est qu’un moyen.
  • Il y a un malentendu permanent sur ce qu’est la politique, pour beaucoup il s’agit d’abord de se faire élire ou réélire alors que c’est avant tout gouverner. C’est aussi plus qu’administrer et gérer. C’est se projeter dans l’avenir, élaborer et promouvoir une vision, en débattre le plus largement et mettre en pratique les actions qui permettront d’atteindre les objectifs, les réviser s’il y a lieu mais sans en changer diamétralement. Aujourd’hui, rien de tout cela, les renoncements sont fréquents permanents.
  • Notre système de formation, celui des grands corps de l’État, a produit des élites administratives, politiques et économique. Il a été très efficace un temps, il ne l’est plus depuis au moins 20 ans. Il faut impérativement le rénover.Il est étonnant de constater qu’on a institué un régime de thèse permettant de former en un temps raisonnable, des cadres pour la nation, on pourrait même dire les cadres de la nation. Ce type de formation a fait ses preuves : méthodologie bien définie et rigoureuse, réactivité face à l’imprévu, doute raisonnable face au résultat, développement de la créativité, de l’esprit d’analyse et de synthèse… C’est le plus haut diplôme de la nation. Certes il peut ne pas suffire pour assurer beaucoup de tâches, des acquis supplémentaires sont nécessaires, mais il est la base sur laquelle le reste ne peut se construire. Et l’on n’emploie pas ce lot de compétences bien utile au delà de la recherche. Combien de docteurs parmi les ministres, même ceux et celles qui ont la recherche et l’enseignement supérieur dans leur portefeuille. Combine parmi les membres des cabinets, parmi les dirigeants d’entreprises ? Beaucoup de pays ont compris que ces formations sont précieuses, nous pas encore. Nous sommes dramatiquement à la traîne. Certes, il ne faut pas dériver vers l’intégrisme et reconnaître que des personnalités compétentes peuvent se trouver ailleurs que dans le vivier des docteur, mais ce devrait être l’exception alors qu’aujourd’hui, c’est la règle.

Tout cela est bien sûr discutable et à discuter. Je suis peut-être sévère sur certains points, par exemple sur l’écologie alors que pour moi elle devrait être la reine des science (au sens non autocratique, on l’a bien compris). En fait, c’est surtout sur beaucoup de ceux qui s’en revendiquent : ils devraient nous dessiner le paradis alors qu’ils nous promettent l’enfer ! Et que dire de l’économie et de certains économistes, de ceux, tous secteurs confondus qui utilisent maladroitement ou même malhonnêtement les modèles ?

Là sont les véritables réformes à faire.

AP, le 21 juin 2014

Les « affaires »

Beaucoup, comme moi, ont été heurtés par ce qu’il faudra bien appeler « l’affaire Cahuzac ». Ce n’est pas la première dans le monde politique, on pourrait espérer que ce soit la dernière. Hélas sans doute pas : il traîne encore quelques dossiers qui risquent de nous réserver bien des surprises.

La connivence du politique avec le monde de la finance est critiquable en soi, quand en plus la malversation et le mensonge s’en mêlent, cela devient désespérant, hallucinant, et donc… scandaleux. Quand on se met au service de la nation on se doit d’être irréprochable. Or, il semble pas y avoir de grandes différences entre la droite et la gauche.

En période de crise, il y a de quoi mettre dans la rue beaucoup de français et plus largement d’européens. Pour ma part, je me limiterai à ceux que je connais le mieux, celui de mes collègues de mes proches. Les chercheurs, enseignants et enseignants chercheurs, praticiens hospitaliers, etc. , ne sont bien sûr pas les plus à plaindre, mais force est de constater que jouant un rôle essentiel dans notre société, dépositaires, découvreurs et transmetteurs de techniques et de savoirs précieux, ils ne sont guère considérés : salaires modestes, souvent contestés avec un statut social dégradé : enfant d’instituteurs, né et élevé dans une école, mes parents, même avec un revenu modeste, jouissaient d’une bonne considération, ce n’est généralement plus le cas. Et pourtant leur dévouement et leur probité a presque valeur d’exemple. Le plus souvent, ils se battent plus pour avoir des moyens de travail décents que pour leurs propres revenus. Ils ont même accepté des conditions dégradées pour accomplir leur tâches : c’est ce qu’on voit aujourd’hui avec les miroirs aux alouettes que sont les agences de financement de la recherche. En soi, le principe d’est pas à rejeter, c’est son application qui est critiquable : tracas administratifs, court-termisme, destruction de l’aspect collectif par une mise en concurrence effrénée à tous les niveaux, de l’individu au laboratoire et même aux organismes de recherche. Le recherche scientifique ne peut être que collective. Oui, la recherche est malade de la gestion, d’une incompréhension et quelquefois du mépris du monde politique. Je pensais que la gauche ferait mieux que la droite, je commence à douter sérieusement. Comme pour les affaires la différence est aussi mince qu’une feuille de papier à cigarette. Mais ne faisons pas de procès a priori, on peut néanmoins se souvenir de certains discours. Le montage suivant parle de lui-même :

http://www.youtube.com/watch?v=6Ttl0t4zmj4

Cela étant, j’ai été très étonné lors des Assises de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche que le débat « recherche – société » ait été largement dominé par les questions de relation avec l’industrie. Depuis le début de ma carrière, combien de fois l‘ai-je entendu et ce n’est toujours pas résolu. Pour ma part et dans mon laboratoire, pour les recherches qui s’y prêtaient, les relations se faisaient… naturellement et de fait ces questions ne se sont jamais réellement posées et pas qu’avec l’industrie. Nous avons de façon récurrente travaillé pour l’agriculture, nous nous sommes souciés de culture scientifique et bien sûr de transmission des savoirs… Tout en pratiquant aussi une recherche très fondamentale. Ce laboratoire a 50 ans, il a connu un développement spectaculaire. Vous comprenez que ce type de débat, lors des assises, a pris pour certaines et certains d’entre nous un allure très abstraite.

Il y a beaucoup d’autres aspects qui m’étonnent et quand je vois la qualité, le travail fourni par les jeunes de nos professions, et le peu de retour qu’il peuvent en attendre et donc qu’ils en auront, devrais-je avoir honte d’avoir fait et de faire encore tout pour les motiver et à les former à faire ces métiers ? Qu’en pensez-vous ?

Un nouvel espoir pour la recherche et l’enseignement supérieur

J’ai critiqué la politique menée en la matière par le précédent gouvernement, ce qui s’est traduit par ma démission de ma fonction de chargé de mission au CNRS, il y a un peu plus d’un an.

Les premières déclarations de Madame Geneviève Fioraso sont encourageantes, ainsi que la nomination de Lionel Collet comme directeur de cabinet que j’ai pu apprécier comme président de l’Université Claude Bernard Lyon 1. J’ai croisé Mme Fioraso lors de la séance en région de l’Académie des Technologies, l’année dernière à Grenoble, et gardé un excellent souvenir de l’exposé qu’elle nous avait fait. Je pense que cette opinion est très partagée par de nombreuses consœurs et de nombreux confrères.

Les Assises de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche constituent un bon départ. Les premières conclusions ont été rendues publiques les 26 et 27 novembre 2012, au Collège de France, elles confirment la première impression.

Autres actualités

Le lecteur trouvera en page d'accueil trois textes téléchargeables. Le premier sur les universités et notre système de recherche, le second sur l'incetitude intrinsèque de notre monde système complexe s'il en est, le troisième sur l'écologie, discipline scientifique majeure, mais dont le discours est parfois troublé par des considérations idéologiques et politique.

L'interdisciplinarité au CNRS

Enfin, je rappelle qu'en mars 2011, j'ai envoyé une lettre au Président du CNRS critiquant la politique en matière de recherche et sa traduction au niveau du CNRS. Il s'agissait d'un controverse, pratique courante dans le milieu scientifique. Il semble que cela n'ait pas été pris comme tel, je le regrette. Tout ce qui est dit reste valable à l'exception de ce qui concerne l'Alliance pour la recherche sur l'environnement, qui semble remplir correctement sa fonction de coordination. Le lecteur pourra trouver le texte de cette lettre et les commentaires de Sylvestre Huet, sur le site de {Sciences au carré}.

http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2011/04/une-démission-au-cnrs-signe-de-crise-.html

Suite au travail très soigneux d’un petit comité réunis par la direction générale déléguée à la science, fin 2010 - début 2011, j’ai assuré la rédaction d’un texte de synthèse. Ce texte a été présenté au Conseil scientifique du CNRS et transmis, en mai 2011, au directeur de la mission sur l’interdisciplinarité nouvellement nommé. Cette fonction est à nouveau ouverte à candidature. Il me semble maintenant important que le texte élaboré début 2011 soit accessible à un large public, notamment à d’éventuels candidats à cette fonction (cf. le lien, ci-dessous, colonne de gauche). Je suis à la disposition des lecteurs pour participer à un ou à des débats sur le sujet (me contacter sur mon adresse électronique professionnelle: [email protected])



En page d'accueil on trouvera le lien de téléchargement du texte.

Le CNRS Guyane a 10 ans

Cet anniversaire me touche particulièrement ayant été l'un des acteurs principaux de cette implantation. J'en ai assumé la responsabilité pendant près de 8 ans, dont 6 en Guyane. Le succès de cette opération a été assuré par tout ceux qui y ont participé. Non présent à cet anniversaire et sans qu'il soit besoin de disserter à ce sujet, je n'ai pas eu le loisir de les remercier une fois de plus de vive voix. Cela importe peu, ils savent toute l'estime que je leur porte.

Cf. le site du CNRS Guyane: http://www.guyane.cnrs.fr


http://www.youtube.com/watch?v=6Ttl0t4zmj4

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Mis à jour le 19 août 2021 - contact : [email protected]

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Vous trouverez sur mon nouveau site Internet une présentation de mon parcours professionnel et quelques informations personnelles et ci-dessous mes principaux ouvrages. Des articles sont également téléchargeables (cf. fin de la page d'accueil et la page : choix de publications à télécharger), la plupart ont été publiés dans des revues, mais quelques récents, plutôt des articles d'opinion, sont accessibles aussi. Si vous vous en inspirez pour vos propres travaux, n'oubliez pas de les citez. Merci d'avance !

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